LE MOT A LIRE / LE BLOG

juin

13

De sang et d’ébène

Par admin

« Donna Leon mêle avec bonheur intrigue policière et description de la vie dans la cité des doges. Sous sa plume souvent poétique, l’auteur transmet sa connaissance approfondie de la sérénissime » voici comment un journaliste définit avec justesse l’œuvre de Donna Leon. Le roman fait partie d’une série mettant en scène le commissaire Brunetti.

Un vendeur africain vend des contrefaçons de sacs sur une place de Venise et est assassiné par des tueurs professionnels. Brunetti commence l’enquête, mais après quelques jours, le ministère de l’intérieur lui interdit de continuer. Il va trouver étrange que le ministère s’intéresse à un pauvre vendeur de contrefaçons, il va donc continuer secrètement cette enquête. Guido Brunetti est commissaire dans la police de Venise, il n’obéit pas toujours à ses supérieurs mais les respecte tout de même. Il peut lui arriver de passer plusieurs journées sans aller travailler ou n’y aller que le matin. Son métier est tout de même très important pour lui. Il est de caractère posé et réfléchi, c’est quelqu’un d’intelligent et de cultivé. Il adore la bonne nourriture italienne, surtout celle qui est cuisinée par sa femme Paola. Il aime aussi lire dans son canapé aux côtés de celle-ci .

L’intérêt de ce roman est la critique de la société italienne mais aussi européenne qu’il émet. Les immigrants qui arrivent dans le pays n’ont aucune aide, ils sont même rejetés de la société et oubliés de la population. L’intrigue est intéressante parce que elle promène le lecteur dans une belle ville et dans des milieux sociaux très différents. Il est aussi agréable de suivre l’enquêteur au cours de ses journées et de le voir résoudre l’enquête à sa façon très décontractée.

Juliette

De sang et d’ébène/ Donna Leon.- Points , 2009

juin

13

L’effet papillon

Par admin

Andreas Heitmann, le père détective privé de la jeune Igi, chercheuse en psychologie, meurt dans un étrange accident. Ne sachant pas comment occuper ses journées, la jeune Heitmann jette un œil aux enquêtes en cours de son père. Quelques jours se sont écoulés lorsqu’une jeune femme recherchée depuis des années par le détective est retrouvée morte, mais pour la police l’affaire est classée : c’est un banal suicide.Peu de temps après, une nouvelle découverte est faite : Petra, une amie de la disparue, elle aussi recherchée par Andreas Heitmann est à son tour retrouvée morte dans le mur d’une église.Igi, spécialiste de la théorie du chaos et extrêmement seule à ce moment de sa vie refuse de croire à une coïncidence et décide alors de mener sa propre enquête aux côté de sa fidèle voiture, Gorbie.

Ce roman renvoie au lecteur une image assez péjorative des pays du Nord, : il donne la sensation d’un pays froid et gris, habité de personnes froides, tristes, seules et grises elles aussi. Il critique une société qui manque de contact et de vie, où les hommes seraient des moutons éclairés par des lumières artificielles, occupés par la télévision et qui écoutent une musique sans âme et commerciale : ce n’est alors pas un livre à lire en hiver ou lorsque le moral n’est déjà pas là…

« Le crépuscule hivernal n’a ni la douceur ni la mélancolie du printemps, il est âpre et vous prend à la gorge », c’est exactement l’impression que l’on a lorsqu’on est arrivé au bout.

Julie

L’effet papillon / Pernille Rygg.- Editions de l’Aube, 1997

juin

13

Onze jours

Par admin

Nous commençons le livre en plein dans l’action, dans un village aux États Unis, loin de tout souci, des meurtres s’enchaînent, tous plus étonnants les uns que les autres. Ils ont la particularité d’avoir été inspirés par le satanisme. Les enquêteurs ont pour témoin une femme qu’ils ne retrouvent pas et des meurtres, tous reliés par une secte aux actions douteuses. L’enquêteur, et aussi personnage principal, est Carl Houseman. Ils est plutôt rond et grand fumeur, avec un caractère à fleur de peau. Il s’entend avec toute son équipe mais il a quelques tensions conjugales. Il éprouve un grand intérêt et c’est lui qui nous propulse dans l’affaire durant tout le roman.

Le roman policier montre que « les habitants des campagnes américaines n’ont rien à envier à ceux de mégapoles en matière de secrets, de déviances et de perversités. ». Ce roman met en cause la religion et le satanisme, deux notions opposées. Le satanisme étant de plus en plus fréquent aux États Unis, ce livre démontre le danger que peuvent causer les sectes pour les adeptes, sans que les autorités ne puissent rien faire contre cela.

Si vous êtes fan de romans policier, je vous conseille ce livre! Il est captivant , on est pris par l’histoire dés le début, on est dans l’action avec l’enquêteur, on la vit avec lui .Et, comparé à d’autres romans policiers, celui-ci garde son suspense jusqu’à la fin!

Alice

Onze jours/ Donald Harstad.- Points , 2005

mar

13

Le Turquetto.

Par admin

Un Beau tableau du Turquetto.

Dans cette toile facile à déchiffrer, et avec une narration exquise, Metin Arditi nous renvoie à l’époque de la Venise de la Renaissance, et vers les pays de l’Orient, une époque plaisante, avec des couleurs relativement chaudes.

Dans son œuvre, l’auteur nous présente Elie, un jeune juif qui perd son père assez tôt, ce qui le force à quitter sa ville natale, Constantinople, pour aller s’exiler à Venise, ou il pourra commencer à exercer son art, mais sous une fausse identité, faute de religion. Grâce à son maître, il se fera une grande renommée et deviendra un grand artiste, jusqu’à la création d’une fameuse toile…

Au fil du roman, nous voyons les toiles se multiplier, et l’auteur ne se prive pas de décrire les lieux et les couleurs, avec force description tantôt des paysages, tantôt des œuvres :

« Cela commençait dès l’aube, lorsqu’il quittait Yédi-Koulé. Les rayons du soleil rasaient alors les fortifications et donnaient à leurs cimes de pierre roses des reflets rougeâtres intenses, mêlées de stries jaunes, qu’il aurait aimé rendre au petit pinceau, à la manière d’une miniature, dans une délicatesse extrême.

Avec quelques phrases issues de langues orientales telles que :   « Lo taasé leecka fèssèl veckhol temounab achèr bachamayim minaal vaachèr barrètz mitabout » ,le texte à un certain charme exotique, ce qui contribue a l’originalité du texte, avec une bonne dose de sentiments, de joie comme de tristesse.

«Elie éclata en sanglots. Ralfi était habitué à des scène d’émotions, mais celle-ci le surprit beaucoup. Un homme si fort qui pleurait avec un désespoir d’enfant… Après tout, ce n’était pas lui qui était en deuil. [...] Elie fut incapable d’articuler un seul mot. Il aurait pu s’ouvrir au gardien. Lui demander : Comment vais-je pouvoir lui demander pardon ? Mais qu’est ce que cela aurait changé ?  Alors il lui tourna le dos et quitta le cimetière en courant. »

Dans les émotions, les contrastes des mots utilisés font penser au monde des couleurs, ce qui rend harmonieux les couleurs, les émotions et la présence de l’art. Dans son roman, Metin Arditi a réuni tous les ingrédients pour en faire une lecture passionnante et agréable.

Le monde de l’art est très présent, mais pas besoin de s’y connaître : Une fois la première page tournée, impossible de s’arrêter.

Le Turquetto/ Metin Arditi.- Actes Sud, 2011


mar

13

Le Héron de Guernica

Par admin

Un roman splendide !

Ce n’est pas une simple biographie du célèbre peintre Picasso, c’est tout simplement un chef-d’œuvre ! Ce que  Antoine Choplin livre avec « Le Héron de Guernica »  est tout bonnement sublime. Dès les premières lignes, on se retrouve à Paris avec le peintre Bresilo et on découvre tout au long de l’histoire qu’il a traversé une période difficile.

Pour fuir les problèmes de ses proches et de lui-même, Bresilo s’installe sur un rocher près de l’étang et observe la nature. Il se met à peindre le héron qui vient parfois le voir. L’auteur décrit les paysages avec une telle délicatesse qu’on finit par oublier qu’une guerre a lieu : « La lumière a crû sur toutes choses et les couleurs se déploient. Les eaux lisses et peu profondes ont perdu leur robe de mercure des premières clartés et s’allument maintenant de mille scintillements. » Il nous montre bien l’élégance, le calme du héron qui se pose près de Bresilo : « Le cou est d’un blanc lumineux, à l’élégance prononcée par de longues et fines plumes noires à l’arrière de la tête. L’œil brille aux aguets »

Le lecteur découvre que, malgré ses soucis de pauvreté, Bresilo reste quelqu’un de calme, de posé, qui panique peu : lors du bombardement de Guernica, il part se mettre à l’abri et rencontre un ami avec lequel il discute de peinture. Il va aussi dans une église et, à la demande du curé, il prend des photos du bombardement pour montrer qu’il était témoin de cette guerre. Il n’y aucun problème pour identifier les personnages car ils sont tous très bien décrits : chacun a sa propre personnalité, sa propre situation et son propre métier. Encore une fois, un vrai chef-d’œuvre !

Antoine Choplin fait une nouvelle fois vibrer le souffle de l’Histoire, dans la lignée des ses romans Radeau et L’impasse, publiés aux Editions La Fosse aux Ours. En 2010, on a lu de lui Cour Nord au Rouergue.

Le Héron de Guernica/ Antoine Choplin.- Ed. du Rouergue, collection La Brune, 2011

jan

30

Le Ciel est partout

Par admin

Lennon, de son surnom Lennie, a 17 ans lorsqu’elle perd brutalement sa sœur aînée. L’univers tout entier s’est écroulé avec la mort de Bailey. Elle se replie donc sur sa tristesse: quatre semaines à écrire des poèmes, quatre semaines sans jouer de la clarinette, quatre semaines en serrant contre elle le roman qu’elle ne quitte jamais, quatre semaines sans se confier à Manou, sa grand-mère.

Lennie décide de retourner au collège et rencontre Joe Fontaine, un nouvel élève qui lui fait entrevoir un avenir.  Lennie va alors réapprendre à vivre lentement et apprendre qui elle est réellement maintenant que le cocon créait par les deux sœurs n’est plus. Elle va aussi découvrir l’amour. Elle se rapproche également de Tobby, le petit ami de Bailey, tous deux emmurés dans leur chagrin; ils trouvent en l’autre un réconfort plaisant.

On découvre les affres du deuil avec Lennie qui se confie de manière déchirante, se débat au fil de ses pensées pour tenter de se relever. La cadette admirait tant son aînée qu’elle ne se concevait que dans son ombre, Lennie prend alors conscience de son rôle et se déteste de pouvoir réussir sans Bailey. Elle décide d’écrire, semant des poèmes dans son univers de tristesse.

Ce qui donne un point de modernité à ce roman, c’est la manière dont l’auteur a parsemé  ces petits bouts de poèmes, de pensées de Lennie, écrits sur des emballages de bonbons, des gobelets semés ici et là.

L’auteur aborde des sujets difficiles de la vie en maniant les mots de sorte que la lecture soit émouvante sans toutefois fonder une pitié.

L’auteur met en valeur le rôle de la famille et de la solidarité pour parvenir à se relever des épreuves de la vie.

Une écriture envoutante, un roman fort et admirable. Un véritable coup de cœur !

Le ciel est partout/ Jandy Nelson.- Gallimard, Scripto, 2010

jan

25

Voyage depuis la réclusion

Par admin

« Je suis l’ombre qui cause. Je suis celle qui s’est volontairement clôturée pour tenter d’exister. Je suis la vierge des Murmures. »

Ainsi débute, le second roman de Carole Martinez, Du Domaines Des Murmures, fraîchement récompensé du prix Goncourt des Lycéens. Après le succès lent et doux du Cœur Cousu, c’est encore avec le pouvoir de la fable et du conte, qu’elle revient nous enchanter et provoque un triomphe immédiat.

Ici, Esclarmonde, une jeune fille de Seigneur au XIIème siècle, nous raconte son récit. Après avoir refusé d’épouser celui qui lui était promis, elle décide de s’emmurer vivante et de se tourner vers Dieu.

Au premier abord, l’histoire interpelle le lecteur, et ne le déçoit pas : le livre se dévore d’une traite sans que l’on reprenne son souffle. Divers sujets sont abordés, allant du courage de dire « non », de la piété, de la solitude et du silence, au voyage spirituel et à la maternité qui, même précoce, a une dimension intemporelle, universelle.

Malgré l’ennui que peuvent provoquer certains passages où manque l’action, de réflexions qui s’étendent ou de récits, telle que la période des croisades, qui ralentissent le cours de l’action, la beauté de l’écriture fait oublier toute pensée négative. Le style de Carole Martinez, absolument remarquable, retranscrit avec force les pensées et les sentiments de la narratrice, décrit avec brio le moindre détail, si bien qu’il nous permet de comprendre avec justesse le personnage, de rentrer dans l’histoire, de vivre cette œuvre. Alors que du fin fond de sa cellule et qu’à travers les yeux de son enfant et de son père, Esclarmonde voyage jusqu’en Terre Sainte, les pages que l’on tourne frénétiquement nous entraînent, elles, aux côtés d’Esclarmonde.

Peut être que la présence de certaines scènes, choquantes ou macabres refroidiront les âmes sensibles, cependant, même lorsque Esclarmonde se mutile lors de sa noce « ne m’arrachant qu’une oreille, dont le cartilage n’a pas résisté sous ma lame affûtée, face à mon sang répandu, ma douleur maîtrisée, ma beauté de statue et ce long ruban de sang dans mes mèches dorées », nous sommes frappés de l’aisance de Carole Martinez, pour atténuer le sinistre instant.

Il est impossible de quitter Du Domaine Des Murmures, une fois commencé, ses mots nous envoûtent, nous capturent, nous font traverser les époques et nous font oublier tout le reste. Alors, qu’attendez-vous ?

«Je suis l’ombre qui cause. Je suis celle qui s’est volontairement clôturée pour tenter d’exister. Je suis la vierge des Murmures. A toi qui peux entendre, je veux parler la première, dire mon siècle, dire mes rêves ; dire l’espoir des emmurées. […] J’ai tenté d’acquérir la force spirituelle, j’ai rêvé de ne plus être qu’une prière et d’observer mon temps à travers un judas. […] Ma bouche de pierre m’a offert la puissance de la sainte. J’ai soufflé ma volonté depuis ma fenestrelle et mon souffle a parcouru le monde jusqu’aux portes de Jérusalem. Mes yeux, dans la tombe entrouverte ont suivi les croisés. […] Entre dans l’eau sombre, coule toi dans mes contes, laisse mon verbe t’entraîner. Ecoute ! »

Du domaine des Murmures/ Carole Martinez.- Gallimard, NRF, 2011

jan

25

Le Passé simple

Par admin

« Comment vit-on en sachant que l’avenir est une peau de chagrin? » C’est ce que David FOENKINOS nous propose de découvrir dans son roman intitulé « Les souvenirs ». C’est ainsi que D.FOENKINOS met en scène sa grand-mère âgée de quatre-vingt deux ans. Il la compare à « une poupée de cire dans un musée poussiéreux » tant elle est inactive et s’ennuie. C’est donc avec un style un peu comique mais tout de même grave que FOENKINOS va traiter différentes étapes de la vie. Le premier thème de ce roman est donc la vieillesse. En effet, FOENKINOS veut nous faire partager son émotion et beaucoup de sentiments à propos de la vieillesse. Il l’a présente comme étant un long naufrage. Cela peut réellement bouleverser car nous y seront tous confrontés.

De plus FOENKINOS détient un vrai talent pour faire partager la force des émotions. Ainsi, il fait apparaitre le problème de la vieillesse très tôt dans le récit. Le narrateur s’interroge sur le sort de sa grand-mère et se compare à elle : « Quel espoir en l’avenir peut-on avoir à quatre-vingt deux ans? ». Ce questionnement intérieur est très intéressant et continuera tout le long du récit.

Néanmoins, l’originalité de ce roman réside principalement dans l’incorporation de courts paragraphes relatant des souvenirs de personnes inconnues comme célèbres. Ce roman, grâce aux souvenirs, peut apparaître romantiquement comme ce souvenir de Sonia Senerson, une femme ayant retrouvé son mari au bout de nombreuses années en découvrant qu’il était devenu aveugle. Le lecteur peut être captivé par cette recherche de souvenirs de sources différentes.

David FOENKINOS nous fait partager une émotion intense au niveau de la relation petit-fils/grand-mère. En effet, la grand-mère s’évade de sa maison de retraite où elle était malheureuse et se réfugie à Etretat dont elle a un souvenir d’enfance marquant. Son petit-fils est très touché par sa disparition et la retrouve après avoir cherché dans quel souvenir elle se serait cachée. Le lecteur peut se sentir partagé entre le rire et la tristesse lors de la scène du tableau de la vache.

En effet, le dernier cadeau que le narrateur aura fait à sa grand-mère est la visite surprise au peintre du tableau représentant une vache qui était exposé à la maison de retraite.

Cependant, ce roman ne s’arrête pas à la vieillesse et la mort mais continue paradoxalement sur l’amour. Toutefois, ce deuxième thème est moins axé sur un questionnement intérieur et repose plus sur le goût de l’auteur pour le cocasse et l’absurde du quotidien. En effet, certains passages peuvent faire sourire les lecteurs, comme la scène où le narrateur se décide à présenter sa compagne pour annoncer le mariage à ses parents alors que ceux-ci sont persuadés qu’ils viennent parce que leur fils a enfin compris qu’ils allaient divorcer. De plus cette scène sera réciproque pour le narrateur. Ce style relève du tragi-comique.

Pour conclure, David FOENKINOS détient un style spécial qui se lit très facilement. De plus, il a su captiver l’attention du lecteur tout au long du récit grâce à une originalité de mise en forme. Ce roman convient à de nombreux lecteurs, car toute personne devrait se retrouver dans la psychologie du personnage principal. Toutefois, la réflexion présente dans la première partie du roman est amoindrie dans la seconde, ce qui pourrait décevoir certains lecteurs.

Les souvenirs / David Foenkinos.- Gallimard, NRF, 2011

jan

25

Aller simple pour la taïga.

Par admin

« Quinze sortes de ketchup. A cause de choses pareilles, j’ai eu envie de quitter ce monde. »

La réflexion, lâchée dès la première page donne tout de suite le ton.

Alliant l’humour et la pensée, en passant par la contemplation du monde, Sylvain Tesson nous livre ses états d’âme depuis sa cabane perdue dans la taïga, au bord du lac Baïkal. Grand voyageur, l’homme s’était promis de vivre six mois en solitaire en Sibérie, loin de la folie de Paris, loin de tout. En résulte une fresque haute en couleurs, qui transporte et fait vibrer.

Au fil des pages, le dépaysement est total. Le lac gelé, la flore, le réveil de la faune au mois de mai, emmènent le lecteur loin de son ennui quotidien pour son plus grand plaisir. Un chapitre pour un mois passé là-bas, on assiste à la beauté de l’hiver : « Les stalactites gouttent au rebord de l’auvent » ; mais aussi à la renaissance de la nature : « La première vraie journée de printemps est une année importante dans une année d’homme. » On aurait presque envie, nous aussi, de tout plaquer et de nous réfugier au cœur de cette Russie encore rustique mais pas moins heureuse que notre monde occidental.

Et puis, quand on commence à creuser sous la surface gelée du dépaysement, on se rend compte que partager les uniques pensées d’un homme reclus dans la taïga nous rend proche de lui. On fait ainsi la rencontre d’un narrateur devenu attachant, comme lors du départ de sa femme : « Et puis tout s’écroule. Sur le téléphone satellite, […] cinq lignes s’affichent, plus douloureuses qu’un coup de fer rouge. » Le pauvre bougre noiera son désespoir dans la vodka et les livres, tout en continuant à ponctuer son journal de bord de ses pensées incisives.

Mais l’idée principale soutenue par le journaliste est toute autre, l’essai est une sorte d’invitation à la réflexion sur la société de consommation d’aujourd’hui, et l’empressement de notre monde occidental. Tesson dénonce et condamne, toujours au moyen de phrases chocs ayant pour seul but de faire réfléchir. Et il touche au but ! Le style d’écriture est en effet très fin ainsi que précis. L’humour est parfois même omniprésent, particulièrement lors des dialogues entre Tesson et ses amis russes ou bien sa propre description de ses derniers : « […] la Russie, nation qui envoie des fusées dans l’espace et où l’on se bat contre les loups à coups de pierre. »

Sylvain Tesson publie avec Dans les forêts de Sibérie une histoire forte, provocatrice et touchante. L’essai n’aura pas de mal à convaincre le grand public après avoir remporté les concours (prix Médicis de l’année dans sa catégorie.) Et c’est tout le bien qu’on lui souhaite.

Dans les forêts de Sibérie / Sylvain Tesson.- Gallimard, NRF, 2011

fév

23

Le Premier Mot, Vassilis Alexakis

Par admin

Le Premier Mot est avant tout l’histoire d’un homme, Miltiadis, né en Grèce et professeur de littérature comparée à Paris, qui aimerait connaître ce mot à l’origine de tous les autres. Hélas, il meurt avant de l’avoir découvert. C’est sa sœur, une femme d’une soixantaine d’années, qui se chargera d’élucider l’énigme. Elle rencontrera des scientifiques de tous bords, qui lui parleront du cerveau humain, du langage des bébés, des chimpanzés et de l’Homo sapiens, de Darwin et des créationnistes, de Rousseau et d’un roi d’Égypte qui avait fait élever ses enfants loin du monde pour voir dans quelle langue ils s’exprimeraient spontanément, et qui serait de ce fait la première langue.

Le Premier Mot de Vassilis Alexakis est un roman que je conseille plutôt aux bons lecteurs, car ce livre est assez long à lire et le style d’écriture de V. Alexakis peut poser problème à certains, notamment au niveau des flash-backs et des dialogues intérieurs de la narratrice. Ce récit est néanmoins très intéressant, plus particulièrement pour celles et ceux que les cultures étrangères (notamment les langues) intéressent. Si également certains sont amateurs de langues anciennes, ils y découvriront avec plaisir les racines des langages d’Europe avec le Grec ainsi que le Latin. Si je peux vous donner un petit conseil de lecture : pour savourer ce livre, ne le lisez ni trop vite – vous risqueriez de ne pas l’apprécier en manquant des détails-, ni trop lentement – car vous pourriez perdre le fil de l’histoire.

Pour ma part, j’ai beaucoup apprécié ce livre, aimant beaucoup les langages et différentes manières de parler. Mon père, quant à lui, a nettement moins apprécié la lecture: «  On a beaucoup de mal à savoir si [la narratrice] parle au présent ou en son for intérieur, ou encore à son père mort, bref on ne sait pas si elle parle aux autres ou si elle se parle à elle-même. J’ai eu du mal à me situer dans les temps et dans les lieux, parce qu’ils ne sont indiqués que par de petits indices. » Je vous conseille néanmoins encore de le lire si vous le pouvez.