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fév

1

Certaines n’avaient jamais vu la mer

Par admin

Etats-Unis, Japon : La fin des illusions

« Nous voilà en Amérique, nous dirions-nous, il n’y a pas à s’inquiéter.Et nous aurions tort. »
Julie Otsuka, née en 1962 en Californie, est une écrivaine américano-japonaise. Elle a passé son enfance dans une communauté japonaise des Etats-Unis. Ses deux romans, inspirés de ses origines, ont obtenu un grand succès. Le premier, Quand l’empereur était un dieu, publié en 2002, fut considéré aux Etats-Unis comme un chef-d’oeuvre. Son deuxième roman, Certaines n’avaient jamais vu la mer, a même obtenu le prix PEN/Faulkner Award for fiction. Il présente la vie de centaines de femmes japonaises qui ont quitté leur pays pour retrouver un mari qu’elles n’avaient encore jamais vu après l’attaque de la base américaine de Pearl Harbor : « Sur le bateau nous étions presque toutes vierges. Nous avions de longs cheveux noirs, de larges pieds plats et nous n’étions pas très grandes. Certaines d’entre nous n’avaient mangé toute leur vie durant que du gruau de riz et leurs jambes étaient arquées, certaines n’avaient que quatorze ans et c’étaient encore des petites filles. » Tout au long du livre le lecteur pourra suivre leurs parcours, de leur voyage vers l’Amérique, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Leurs espoirs de vie meilleure iront de désillusions en désillusions : certaines seront violées, d’autres seront les esclaves de leurs maris… Soupçonnées de trahison, elles seront exilées dans des camps en 1943, lors de l’entrée en guerre du Japon.
Le roman est construit chronologiquement et thématiquement : il y a huit chapitres qui abordent chacun un moment différent de leur existence, comme la traversée en bateau, l’arrivée, les relations avec les Américains, les naissances, les enfants, la déportation…Le récit à réalité historique offre un point de vue unique et peu commun, celui de ces femmes Japonaises exilées et mariées de force à des membres de leur propre communauté. Tous leurs sentiments sont décrits et détaillés par l’auteur : « Nous contemplions les lettres avec désespoir. »
Le style d’écriture de Julie Otsuka, remarquablement retranscrit par la traductrice Carine Chichereau, permet au lecteur de partager et ressentir les émotions de ces émigrées nippones. Elles tentent même de renier leur culture pour se faire accepter, en travaillant notamment comme femme de ménage, travail que leurs parents trouvent honteux : « Car au Japon, le métier le plus vil qu’une femme puisse exercer, est celui de bonne. »
L’auteur a choisi, par ailleurs, d’innover en écrivant à la première personne du pluriel, procédé qui invite le lecteur à s’englober dans ce « nous », et qui l’oblige à mieux prendre conscience des terribles conditions de vie dans lesquelles se sont retrouvées ces jeunes femmes et d’éprouver à leur égard une véritable empathie. Cette technique permet à Julie Otsuka d’exprimer la solidarité et le destin commun de ces femmes. Cela confère aussi à l’oeuvre une portée universelle. Malgré les différentes situations dans lesquelles se trouvent les Japonaises, elles reviennent toujours à leur point de départ : des émigrées rejetées par la société américaine. Elles auraient pu tout aussi bien être mexicaines, cubaines, portoricaines… Elles semblent former un seul être, qui, quoi qu’il fasse, sera toujours exclu à cause de ses origines. « On n’est rien qu’un tas de têtes de bouddhas. » L’auteur tient également à démontrer qu’elles étaient perçues comme des êtres inférieurs. Il en résulte des effets saisissants, et c’est ce procédé anticonformiste, qui offre la possibilité à l’auteur de nous transmettre les émotions et les souffrances de ces femmes, toutes dues à la cruauté humaine.
A travers son roman, Julie Otsuka aborde la question du racisme américain contre ces émigrées. On découvre en effet les difficultés et les efforts, si peu récompensés, que les Japonaises ont dû fournir pour essayer de s’intégrer dans la société, qui n’a pu accepter ce choc des civilisations, ni la possibilité d’un multiculturalisme, en particulier lors de l’annonce de l’entrée en guerre des Japonais : « Du jour au lendemain, nos voisins se sont mis à nous regarder différemment. Peut-être était-ce la petite fille un peu plus loin sur la route qui ne nous faisait plus signe depuis la fenêtre de la ferme. Ou ce vieux client qui soudain disparaissait de notre restaurant, de notre boutique. »
Si la plupart de ces femmes ne se sont jamais vraiment intégrées, ce n’est pas le cas de leurs enfants : « Un par un, les mots anciens que nous leur avions enseignés disparaissaient de leurs têtes. […] Ils oubliaient le nom des couleurs. […] celui [du dieu] de la pauvreté, auquel nous ne pouvions échapper. » Tous avaient des ambitions différentes pour leur avenir : « L’une voulait être couturière diplômée. L’un voulait être professeur. […] L’une voulait être une star. Et nous avions beau voir s’accumuler les nuages à l’horizon, nous n’en disions mot pour les laisser rêver. »
Il est absolument impossible pour le lecteur de ne pas ressentir au plus profond de lui-même les sentiments des émigrées que Julie Otsuka sait si bien faire partager. Le moment qui reste cependant le plus émouvant, est celui de l’évacuation des Japonais vers les camps. On ressent à cet instant, que leurs espoirs, si forts au début du roman, sont anéantis. Ce dernier chapitre clôt fabuleusement cette oeuvre immense en humanité et en sentiments.

Joséphine

Partir pour rêver ; obligé de revenir

Dans ce roman qui n’est pas seulement historique, elle témoigne de la parole de milliers de femmes japonaises exilées qui seront déportées vers les États-Unis. L’auteur Julie Otsuka, née en 1962 en Californie sur la Côte ouest où vivait une grande communauté japonaise, une écrivain américaine d’origine japonaise. Elle est diplômée en art mais abandonne sa carrière de peintre pour se consacrer à l’écriture. En 2002 elle publie son premier roman Quand l’empereur était un dieu, inspiré de l’histoire de ses grands-parents. Pour son deuxième roman elle reçoit le prix Femina Étranger pour  Certaines n’avaient jamais vu la mer . Par son roman court et envoûtant elle a aussi séduit la critique américaine et remporté le prestigieux PEN/Faulkner Award for fiction. Elle traite dans son deuxième roman de l’émigration des Japonaises vers les États-Unis, envoyées par leur familles pour épouser « leur maris », des maris qui semblent en photo, jeunes, sympathiques, et beaux mais qui sont tout le contraire. Elles croient partir en terre promise, pour une vie meilleure, leur rêve s’avère faussé par la réalité.

Ce témoignage se révèle pénétrant et attachant, ces Japonaises qui croyaient partir pour une terre promise, une vie meilleure se retrouvent mariées et contraintes à de nombreux travaux : faire la cuisine, labourer les champs, les tâches ménagères quotidiennes. « Nous les aimions. Nous les haïssions. Nous voulions être elles » racontaient-elles en parlant de leur patronnes.

Julie Otsuka opte pour un style d’écriture assez simple, sans complexité, mais qui apparaît quelque fois comme « cru », dans ce chapitre de « la première nuit » elle raconte chacun de leur viols ; « Ils nous ont prises avant que nous soyons prêtes et nous avons saigné pendant trois jours. ». La chronologie est cependant compliquée dans quelques passages. Elle nous apporte tout de même, tout au long du roman, un nombre incalculable de descriptions, qui rend le roman plus vivant et attirant pour le lecteur. Dans son Å“uvre, les Japonaises sont réunies dans le pronom « Nous » qui peut être parfois fort déstabilisant mais qui rend le roman plus vivant. Elle raconte à la fois la vie quotidienne des femmes japonaises, « Nous passions nos journées à planter et ramasser des tomates du lever au coucher du soleil, et nous ne parlions à personne hormis à nos maris pendant des semaines d’affilée. », mais aussi celle de leur maris les Américains, les enfants, les patrons et parfois même des commerçants de quartiers ou elles habitent.

Du point de vue du lecteur une certaine réflexion se fait suite à cela, au niveau de la déportation de ces femmes, « Audience prévue sur l’immigration et la défense nationale. Le gouverneur incite le président à faire évacuer tous les étrangers ennemis de la côte. Qu’on les renvoie chez eux! » cette citation nous prouve la dureté de la vie des Japonaises. L’explosion raciste est elle aussi présente, et des différentes cultures sont abordées, les Américains et les Japonais. Mais aussi l’injustice pour les Japonais de devoir quitter le pays.

D’ordre moral cet acte qui nous est présenté dans le roman de Julie Otsuka est de nos jours incompris, tandis que dans le temps tout cela semblait normal… Une certaine nostalgie s’installe donc au fur et à mesure de la lecture du roman. Mais elle est sans doute bénéfique car elle nous témoigne un sujet qualifié de « tabou ».

Naomi

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